Un comité spécialisé de Bercy derrière le sauvetage de GiFi
🔍 Zoom | GiFi, Atos, Casino, Conforma, Go Sport... Ces entreprises ont toutes un point commun. Elles ont été sauvées par l'entremise d'un petit organisme interministériel : le Ciri.
Au bord de la faillite, l’enseigne discount GiFi peut poursuivre son activité grâce à un accord avec ses créanciers. C’est l’aboutissement de négociations avec les banques, menées sous l’égide du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), un organisme du ministère de l’Économie spécialisé dans le sauvetage d’entreprises en difficulté.

En ce mois de février, les 6.500 salariés de GiFi peuvent souffler (un peu). Le 17 janvier dernier, le président et fondateur de l’enseigne discount, Philippe Ginestet, a annoncé qu’elle ne sera ni fermée, ni vendue. Grâce à un accord avec ses banques créancières, la chaîne aux plus de 600 magasins sera recapitalisée à hauteur de 100 à 150 millions d’euros, une partie de sa dette sera effacée et l’autre rééchelonnée. Néanmoins, Philippe Ginestet, qui a négocié cet accord, devra se retirer de la gestion opérationnelle du groupe et céder 40 % de son capital à ses créanciers.
En interne, ce répit est présenté comme une victoire. Il faut dire que la crise que connaît le groupe est (et continue d’être) très grave. Si grave, qu’en mars 2024, il a appelé à la rescousse un organisme chargé de sauver les entreprises de plus de 400 employés en difficulté : le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri). Cette institution est sous la tutelle de la direction générale du Trésor, elle-même rattachée au ministère de l’Économie.
Né sous Giscard
GiFi n’est qu’un exemple très récent d’entreprises aidées par ce comité. La multinationale de l’informatique Atos, les magasins Casino, Conforama, ou encore Go Sport, en sont d’autres.
Fondé en 1982, le Ciri est une pièce peu connue mais importante de l’appareil d’intervention de l’État dans l’économie. Chaque année, le Ciri reçoit une trentaine de nouveaux dossiers en moyenne. Crises sanitaires et énergétiques obligent, les années 2020 et 2021 ont été des exceptions, avec 70 nouveaux cas la première année et 80 la deuxième.
La création de son ancêtre, le Comité interministériel pour l’aménagement des structures industrielles (CIASI), est elle-même due à une autre crise : le choc pétrolier de 1973.
À l’époque déjà, une désindustrialisation de la France est redoutée. Un risque auquel le premier gouvernement Chirac répond par le CIASI et une stratégie d’interventionnisme étatique. L'arrivée de François Mitterrand en 1981 et la refondation du CIASI en Ciri l’année suivante ne remet pas cette méthode en question.
Une action discrète
40 ans plus tard, le “quoi qu’il en coûte” d’Emmanuel Macron a remis ce comité interministériel sur le devant de la scène.
D’après son ancien secrétaire général Cédric Garcin en 2023, son action consiste à “définir un plan de transformation, puis à le négocier et à en préciser le financement avec les différentes parties prenantes (actionnaires, créanciers, etc.)”. Cet ancien dirigeant du Ciri le décrit comme une “structure légère”, un “petit commando” de rapporteurs qui servent d'intermédiaires entre des sociétés en danger et les artisans de leur survie financière.
C’est ainsi qu’à l’image d’autres firmes, GiFi a pu éviter la fermeture immédiate. Mais la chaîne de Villeneuve-sur-Lot n’en est pas à sa dernière réunion avec le comité. Toujours selon Cédric Garcin, le Ciri doit également s’assurer de la viabilité des accords négociés.
Actuellement, l’organisme se targue de réussite dans 90 % de ses dossiers. Pour autant, ces chiffres ne signifient pas que tout ira bien pour GiFi. L’économiste Élie Cohen, auteur de L’État brancardier, livre issu de son analyse du comité il y a 40 ans, reste réservé. Interviewé par la revue La Grande Conversation il y a quelques jours, il a déclaré qu’au Ciri, “les gens ne se faisaient pas d’illusion […] dans certains cas, le modèle économique ne tenait plus la route. C’était de l’accompagnement social déguisé en soutien industriel”.
Certes, un plan de relance doit bientôt être annoncé par Philippe Ginestet. Cependant, au-delà de l’aide de l’État, c’est bien d’une “idée de génie” dont ont besoin l’enseigne et ses salariés. ⚫